Engraisser des vaches de réforme laitières en maximisant l’utilisation d’herbe dans la ration pour augmenter l’autonomie protéique et limiter les importations.
En France, la viande issue du troupeau laitier représente environ 50 % de la viande bovine consommée en France et 40 % de cette viande d’origine laitière est importée, notamment pour le secteur de la Restauration Hors Domicile (1)
Aujourd’hui, un tiers des vaches de réforme est abattue maigre (2) par manque de perception de l’intérêt économique pour l'éleveur ou par manque de place en bâtiment ou de fourrage disponible pour l'engraissement dans les élevages laitiers.
Après plusieurs travaux sur Holstein et montbéliardes, l’objectif de cet essai est d’évaluer les performances en engraissement de vaches Normande dans une démarche d’amélioration de l’autonomie protéique. Deux rations 100% autonomes sont donc comparées à une ration témoin peu autonome.
(1) Source : Où va le bœuf ? , IDELE 2019
(2) Source : BNDI et NORMABEV, traitement IDELE 2022
Deux essais ont été menés sur la Ferme des Bouviers de Mauron (56) aux printemps 2021 et 2022 afin d’évaluer des rations d’engraissement contenant de l’herbe. La ration témoin, constituée d’un mélange rationné d’ensilage de maïs et de tourteaux de colza, est comparée à une ration « herbe/maïs » composée de 2/3 d’herbe conservée et 1/3 de maïs ensilage complémenté avec du blé. Le troisième lot était au pré sur un système de pâturage tournant avec complémentation de céréales si besoin. 78 vaches de réforme Normandes ont été réparties en 3 lots de 26. Au début de l’essai, elles étaient âgées en moyenne de 5,5 ans, pesaient 616 kg pour une note d’état corporel de 1,9. La phase expérimentale d’engraissement a duré 77 jours en moyenne. L’objectif est d’abattre les vaches à une note d’état corporel (NEC) optimale comprise entre 3 et 3,5.
Des consommations plus élevées pour le lot Herbe/maïs
Les animaux du lot Maïs étaient rationnés à 14 kg MS/j/animal et ont consommé 1 029 kg de MS en moyenne sur la période. Les animaux du lot Herbe/Maïs étaient à volonté et ont consommé 16,3 kg MS/j/animal soit 1 271 kg de MS. Le choix de rationner les animaux du lot témoin s’appuie sur un précédent essai qui a montré qu’en alimentant les animaux à volonté sur une ration à base ensilage de maïs, les croissances n’étaient que très légèrement améliorées alors que l'indice de consommation était fortement dégradé (3). Pour avoir des apports journaliers comparables, la ration avec de l’herbe, moins dense, était distribuée à volonté.
Des carcasses et des qualités de viande comparables entre les lots
Les animaux du lot Maïs rationné ont eu de meilleures croissances : + 250 g/jour par rapport au lot Herbe/Maïs et + 358 g/j par rapport au lot Pâturage. Néanmoins, les poids de carcasse et les qualités des carcasses et des viandes sont comparables entre les lots. Les poids des carcasses s’étalent de 300 à 469 kg pour 376 kg de moyenne. L’état d’engraissement est de 3 et la conformation O=.
Engraisser avec des rations100% autonomes, c’est possible !
La ration ensilage maïs rationné a une autonomie protéique de 43%, elle est la seule ration qui nécessite l’achat de protéines à l’extérieur de l’exploitation au travers d’un correcteur azoté (tourteaux de colza) ; les deux autres rations sont donc autonomes à 100% en protéines alliant ainsi autonomie fourragère et autonomie protéique.
L’année fourragère au cœur de la réussite
Les mises à l’herbe ont eu lieu les 16/04/2021 et 12/04/2022. Les années 2021 et 2022 sont diamétralement opposées. Si en 2021 l’engraissement a pu se faire sans aucune complémentation jusqu’au 27 juillet avec 26 ares/vache, en 2022, les animaux ont été complémentés en concentrés et en fourrages entre le 24 juin et le 20 juillet malgré les 47 ares/vache. Le pâturage tournant était organisé sur des paddocks de 30 à 60 ares pour 1 à 5 jours de pâturage selon la pousse de l’herbe. Les premières coupes et les paddocks débrayés ont permis sur les 2 années de récolter suffisamment de fourrages pour combler les besoins des périodes de tarissement, de transition et d’arrêt de pousse de l’herbe. Si les variations climatiques ne permettent pas une finition1 00% herbe pâturée chaque année, les carcasses sont similaires aux autres régimes
(3) Engraissement- de vaches de réforme Montbéliardes à l’auge, Farm XP, ferme des Bouviers, 2020
En utilisant trois régimes alimentaires contrastés en termes de fourrages, l’un à base d’ensilage de maïs rationné, un autre en mélange à 66% d’herbe conservée et 33% d’ensilage de maïs et le troisième 100% pâturage, nous obtenons des qualités de carcasses et de viande comparables.
L’introduction d’herbe conservée a permis de remplacer la consommation de 223 kg brut par animal de tourteaux de colza par 198 kg brut de céréales par rapport au lot témoin maïs ensilage rationné. Ces rations permettent d’atteindre l’autonomie protéique et fourragère.
Les carcasses sont comparables et conformes aux attentes de la filière pour les trois lots, 376 kg carc. en moyenne et une conformation moyenne O= pour un état d’engraissement de 3.
« L’engraissement de vaches de réforme laitière avec des finitions 100% autonomes en protéines est possible. Si les performances animales sont un peu en dessous, les qualités de carcasses sont très proches de celles du lot alimenté à l’ensilage de maïs et tourteaux de colza. La finition au pâturage est la plus aléatoire car très dépendante du temps qu’il fait pendant les 4 mois de finition entre mars et juillet alors que la finition à l’auge peut s’anticiper un an à l’avance. D’un point de vue coût alimentaire à l’animal même avec une année sèche le coût de finition d’une vache à l’herbe reste moins élevé qu’à l’auge, encore faut-il pouvoir ajuster la surface sans entrer en compétition avec les autres catégories animales. »
Frédéric GUY - Responsable de la ferme expérimentale du CIRBEEF
Marc-Antoine Brasseur - Chargé d'études - Service Productions de Viandes
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