Dans les rations hivernales, la qualité des fourrages est primordiale. Les récoltes d’herbe fournissent la base fourragère et protéique principales en agriculture biologique. Toutefois, une ration à base d’ensilage d’herbe (EH), même précoce, reste limitée en apport d’UFL : il est donc intéressant de tester l’effet d’un apport complémentaire d’un aliment correctement pourvu en énergie. Le maïs peut être récolté sous deux formes, ensilage plante entière(EM) ou ensilage des épis (EME),ces deux options impactent à la fois la valeur de l’aliment récolté (en énergie et en azote), les quantités de ration ingérées, mais aussi les surfaces à mettre en œuvre pour stocker les mêmes quantités totales : en effet, la récolte en EME laisse une partie du fourrage au champ et se traduit par un rendement de 55 à 65% de celui de l’ensilage- plante entière classique.
Comparaison 5 kg MS d’EM par rapport à 5 kg MS d’EME ajoutés à une ration de base d’ensilage d’herbe précoce pour les vaches du troupeau bio
Pendant deux hivers (2020/21 et 2021/22) et durant 8 semaines, les vaches croisées (Holstein/Jersiaise/Normande) ont été réparties en deux lots de même potentiel laitier : chaque lot recevait à l’auge une ration de base contenant le même ensilage d’herbe coupe fine à volonté et 2,7 kg bruts de mélange céréalier au robot de traite. En complément, à l’auge, le lot Témoin (lot EM) recevait 5 kg MS d’ensilage de maïs, alors que le lot Expérimental (lot EME) recevait 5 kg MS d’ensilage de maïs épi.
Les données de production mesurées ont permis de calculer le coût alimentaire et la marge sur coût alimentaire de chaque ration. L’impact sur les surfaces fourragères a été également évalué.
La distribution de 5 kg MS de maïs épi à la place de 5 kg MS de maïs ensilage a entraîné une augmentation de l’ingestion de fourrages de 1,3 kg MS/VL/j (tableau 3). La production laitière a augmenté significativement de 1 kg /VL/j en moyenne sur 2 hivers (tableau 1). L’effet est similaire pour les primipares et les multipares.
Durant le premier hiver d’essai, le lot EME a produit plus de TB (+1,5 g/kg, p=6%) que le lot EM, différence qui ne s’est pas reproduite la deuxième année. Aucun effet sur le TP, la santé ou l’état d’engraissement des animaux en fin d’hiver n’a été constaté.
L’intérêt économique de remplacement de 5 kg MS d’EM par la même quantité d’EME a été calculé à partir des performances zootechniques et des rendements fourragers. L’augmentation de la production laitière entraine un produit lait plus élevé (+0,5 à +0,8 €/VL/jour, tableau 2). Néanmoins, le coût de production du maïs épi est plus élevé que celui du maïs ensilage, car son rendement est plus faible (55 -60 % du rendement d’un maïs ensilage plante entière). La ration EME entraîne également une ingestion plus élevée. Le coût alimentaire de la ration maïs épi est ainsi plus élevé (+0,4 €/VL/jour).
Au final, la marge sur coût alimentaire est favorable à la ration EME en proportions variables selon l’année : de + 800 à + 2.280 par hiver pour un troupeau de 75 vaches (tableau 2)
Compte-tenu du plus faible rendement du maïs épi et de l’augmentation d’ingestion avec ce fourrage, les besoins en surfaces fourragères sont accrus de 4,2 ha (dont 2,9 de maïs) pour nourrir 75 VL pendant 90 jours avec 5 kg MS d’EME/VL/j (tableau 3). Ce choix de mode de récolte est donc à réserver à un élevage disposant d’un bilan fourrager déjà équilibré ou de surfaces hors SFP qui peuvent être reconverties en surfaces de maïs épi.
L’essai réalisé à la station de Trévarez a donc montré l’intérêt zootechnique d’une ration avec 5 kg MS de maïs épi pour concentrer l’énergie de la ration. Ce choix se révèle économiquement intéressant si l’EME est associé à des fourrages de qualité (ensilage d’herbe précoce).
Cependant le rendement du maïs épi est plus faible que celui du maïs ensilage et demande une surface fourragère additionnelle importante (+ 4,2 ha pour 75 VL).
Selon la surface disponible pour produire du maïs dans l’exploitation et les besoins en énergie du troupeau, l’introduction de maïs épi dans la ration des vaches laitières est donc à raisonner au cas par cas.
Le maïs épi se conserve bien tout l’hiver à condition d’avoir été bien tassé
Pour Ludovic, l’introduction du maïs épi en complément de l’ensilage d’herbe dans la ration a permis une meilleure ingestion et une augmentation de la production laitière.
« Pour que le maïs épi soit bien consommé, il faut être vigilant sur la conservation, avec un silo homogène, étanche et un front d’attaque net ». Les vaches trient à l’auge le maïs dans leur ration mélangée, que ce soit celle avec maïs ensilage ou maïs épi, mais finissent par consommer la totalité. « Le maïs épi se conserve bien tout l’hiver à condition d’avoir été bien tassé et d’avoir bien dimensionné le front d’attaque pour un avancement suffisant. Il est moins volumineux que le maïs ensilage, dans le cas d’espace de stockage limité. » « En agriculture biologique, pour que les vaches ne perdent pas trop d’état en fin d’hiver, il faut équilibrer au maximum la ration hivernale, avec des fourrages riches en azote et en énergie ou en pâturant quelques heures quand les conditions le permettent », ajoute Ludovic. Les analyses de fourrage avant l’hiver permettent d’évaluer la qualité de fourrage et de piloter la ration hivernale.
➧ POUR EN SAVOIR PLUS
Claire Caraes - Chambres d'agriculture de Bretagne
claire.caraes@bretagne.chambagri.fr
Valérie Brocard - Institut de l'Elevage