En élevage laitier biologique, le principal challenge technique et économique est d’assurer l’autonomie alimentaire du troupeau. Le pâturage, qui contribue à l’apport d’une ration équilibrée aux animaux, est la première voie pour y arriver, il est souvent pratiqué du printemps à l’automne. Cependant, l’hiver est la période la plus complexe en bio, le niveau en protéines et en énergie étant limité par la qualité des ensilages d’herbe récoltés.
L’expérimentation vise à étudier la réponse d’un troupeau en lactation en agriculture biologique, pâturant des prairies d’associations graminées-légumineuses en période hivernale. Cet essai permet d’apporter un équilibre à la ration hivernale, l’herbe pâturée ingérée pouvant être un complément d’azote à la ration.
L’essai a duré 8 semaines du 7/12/22 au 1/02/23 avec deux périodes de pré et post expérimentation de 3 semaines.
La ration de l’hiver était composée pour les deux lots, de 5 kg MS d’ensilage de maïs, d’ensilage d’herbe à volonté (et donc en quantités variables), 1,5 kg MS d’enrubanné de luzerne et 2,5 kg MS de mélange céréalier grain au robot.
L’essai a été conduit sur 50 vaches croisées Prim’Holstein x Jersiaise x Normande avec 40 % de primipares en traite robotisée. Les vaches étaient réparties en 2 lots : un lot témoin sans pâturage, 100% bâtiment, un lot pâturant 3 h / jours, avec la même ration à l’auge que le lot témoin. Le pâturage tournant a été conduit sur 12 ha avec 1 à 2 jours par paddock, avec fil avant en fonction de la quantité d’herbe disponible, soit deux tours de pâturage pendant l’essai. Le chargement instantané était de 50 UGB/ha, identique aux conditions de pâturage du reste de l’année.
Pour cet hiver, le lot en pâturage hivernal a eu de meilleures performances laitières que le lot en 100% bâtiment. La production laitière a augmenté significativement de + 2 kg / VL / j en moyenne avec le pâturage.
L’effet est similaire pour les primipares et les multipares. De plus, aucune tendance ne semble se dessiner sur le TB, le TP, la fréquence de traite au robot ou la santé des animaux. Par ailleurs, le lot pâturant semble avoir perdu moins de poids en fin d’hiver que le lot expérimental.
De plus, pour une durée de 3 h par jour de pâturage sur 8 semaines, le lot pâturage a ingéré 0.9 kg MS d’ensilage d’herbe en moins par rapport au témoin. L’ingestion d’herbe pâturée, estimée à partir des UF et PDI nécessaires pour la production laitière et les besoins d’entretien est estimée à 2 kg MS environ (équation INRA 2007).
Des animaux dehors dans des conditions très pluvieuses.
Les animaux sont sortis les huit semaines (sauf 4 jours) malgré une météo très pluvieuse (>300 mm de cumul de pluie), une situation peu portante et un hiver froid, avec 10 jours de gel cumulé.
Le challenge de pâturer en hiver avec un troupeau en lactation sur une zone froide et peu portante de Bretagne est réussi.
Une partie de l’herbe pâturée a permis d’améliorer l’équilibre azoté de la ration et semble avoir été consommée en plus de la ration distribuée. Malgré une faible pousse pendant l’hiver <10 kg MS/jour, la reprise de végétation a été similaire sur les zones pâturées et non pâturées, avec une proportion de légumineuses plus importante sur les parcelles pâturées.
Le pâturage hivernal peut être un levier face au changement climatique et une opportunité pour apporter de l’équilibre en protéines dans une ration hivernale.
[SPACE 2023] Le pâturage hivernal, une opportunité à saisir ?
Les fermes expérimentales de Thorigné d’Anjou, La Blanche Maison et Trévarez s’intéressent au pâturage hivernal depuis quelques années. Dans cette conférence, elles partageront les pratiques de pâturage mises en place, les valeurs alimentaires de l’herbe d’hiver ainsi que les performances zootechniques des animaux ayant pâturés ces prairies (animaux en croissance ou vaches laitières).
Pour Ludovic, « l’introduction de pâturage hivernal dans la ration d’un troupeau en lactation, permet une meilleure ingestion avec plus de lait par vache, et permet d’équilibrer la ration hivernale.»
L’herbe peut se pâturer par opportunité, en hiver même en conditions très pluvieuses, les animaux ont préféré sortir et attendaient l’ouverture de la barrière quasiment tous les jours plutôt que de rester à l’intérieur. Ils ont très vite pris l’habitude de sortir 3 h par jour.
« Le pâturage hivernal est un levier possible face au changement climatique. Avec un temps de séjour court comme cet hiver, des animaux croisés plus légers, les parcelles n’ont pas été abimées et la reprise de la végétation a été favorable au printemps, avec un repos végétatif de 40 jours ».
L’une des conditions de réussite du pâturage hivernal est une bonne qualité des chemins, surtout en entrée et sortie du bâtiment. De bons chemins c’est vrai toute l’année pour améliorer le pâturage ! De plus, le frein à cette technique vient parfois de l’éleveur, car il faut changer les fils dans des conditions humides.
« Le pâturage hivernal, un levier pour équilibrer la ration hivernale en bio »
➧ POUR EN SAVOIR PLUS
- Fiche technique pâturage hivernal, partie végétale
➧ Contacts techniques
Claire Caraes
Chargée d'études - Chambre d'agriculture de Bretagne
claire.caraes@bretagne.chambagri.fr
Valérie Brocard
Chargée d’études - Institut de l'Elevage