A la ferme expérimentale de Derval, le système fourrager a toujours intégré du pâturage. L’arrivée du robot ne devait pas modifier cette pratique dont les intérêts sanitaires et économiques sont connus. De 2009 à 2015, plusieurs essais ont permis d’aboutir à une conduite simple, permettant d’associer un robot saturé et une ration comprenant du pâturage allant jusqu’à 100% de la ration. Une seule parcelle est accessible simultanément sans point d’abreuvement pour inciter les animaux à revenir vers le robot. L’intervention au pré ne se fait qu’une seule fois par jour. Sur les périodes de 100% pâturage, la production se maintient à 27.5 kg/VL/jour. La fréquence de traite chute seulement de 0,1 traite/VL/jour. Avec le recul, nous avons constaté que les vaches sont capables de s’adapter à d’autres routines que la conduite du pâturage avec une salle de traite. Avant tout, l’éleveur doit être motivé et laisser aux vaches le temps de s’habituer à cette nouvelle organisation pour valoriser cetaliment bon marché.
Pendant 6 ans, plusieurs organisations ont été testées. Le robot installé en 2008 s’est inséré dans un environnement existant. Nous avons dû composer avec cette contrainte. Pour chaque période d’essai (3-4 mois selon printemps puis parfois à l’automne), nous retenions les éléments positifs pour se rapprocher au plus près de nos objectifs. Ils ont parfois dû être revus lorsqu’ils n’étaient pas atteignables. La circulation en bâtiment utilise une porte de pré sélection avant lerobot. Ainsi, seules les vaches à traire sont dirigées vers le robot. Les autres rejoignent les logettes. La sortie au pâturage se fait obligatoirement après le robot par une seconde porte de tri. 28 ha de pâture étaient accessibles. Pour une simplicité de conduite, elles ont été conduites en 3 parcelles avec une gestion proche du full grass. L’eau des pâtures a été retirée pour inciter les vaches à revenir au robot. Les principaux critères observés ont été la production, la fréquence de traite, la quantitéd’herbe valorisée. Le travail a été évalué en termes d’astreinte.
Instaurer une routine
Cette frise (figure 1) est l’aboutissement de plusieurs ajustements au fil des 6 années de suivi. La saturation de la stalle nous oblige à garantir une bonne fréquentation pendant la nuit avec un objectif de 40 vaches traites entre 00h et 6h. Pour ce faire, le troupeau est rentré chaque jour vers 17h. A partir de 21h, la sortie est autorisée uniquement après une traite. Ainsi, la stabulation se vide d’une vache toutes les 10 minutes au rythme des traites nocturnes. Le retour est interdit tant qu’il reste encore des vaches en bâtiment. Cela limite l’entretien des logettes et réduit la quantité de lisier. A l’aube, heure à laquelle le troupeau est le plus actif au pâturage, un maximum d’animaux est au pré. Elles reviennent par petit groupe en début de matinée, pour la traite et ingérer la part complémentaire de maïs. La circulation est libre jusqu’à 17h.
Les premiers essais ont été réalisés sur des parcelles de 10 ha. Le suivi était très simple mais la valorisation de l’herbe insuffisante tel le fullgrass avec des zones sur-pâturées et d’autres de refus. En 2016, le parcellaire a été restructuré en 9 paddocks de 2.3 ha. Une seule parcelle est accessible à la fois pour simplifier la circulation des animaux et réduire le nombre d’intervention. L’absence de l’eau au pâturage incite les animaux à revenir vers le robot. Cette pratique a d’autant plus d’impact sur la fréquentation du robot que la parcelle est éloignée. En revanche, cela n’impacte pas la quantité d’eau bue.
La figure 2 montre les fluctuations de production suivant la part d’herbe dans la ration. Les périodes de 100% pâturage ont permis une production à 27-28 kg/VL (figure 3) avec 0,5 kg de correcteur et 3 kg de blé. Le coût alimentaire est ainsi divisé par trois. Depuis 2016, la surface en herbe ne permet plus d’atteindre le 100% pâturage. La part de maïs représente en moyenne 10 kgMS/VLau printemps. Le correcteur azoté représente 2,5kg et le blé 1,5 kg par vache. Lorsqu’elle descend à 5 kgMS, elle est distribuée le soir quand les animaux sont rentrés du pré. Chaque vache a alors un accès identique et cela les motive à revenir. La fréquence de traite de notre robot saturé oscille entre 1,95 et 2,2 suivant la parcelle et la météo.
Les travaux menés à la ferme expérimentale de Derval ont montré qu’il est possible de maintenir le pâturage (sous réserve de l’accessibilité) en système robotisé. Il n’y a pas de solution passe partout. Lorsqu’une conduite est réfléchie et retenue par l’éleveur, elle doit être appliquée sur une période permettant au troupeau de s’habituer. Des modifications intempestives empêchent les animaux de rentrer dans une routine. A Derval, d’année en année, l’adaptation du troupeau à la circulation au pâturage a été de plus en plus rapide chaque printemps. La motivation de l’éleveur est aussi un facteur essentiel.
Des travaux complémentaires ont été menés à la ferme de Trévarez avec un robot de traite déplaçable afin de valoriser un ilot éloigné du site d’exploitation. Plusieurs modalités de pâturage ont été testées sur ce troupeau conduit en agriculture biologique.
"Notre technique de pâturage a évolué depuis les premiers essais de 2009. La simplicité nous avait guidé vers le fullgrass. Pour limiter les refus, nous avons ensuite redivisé les parcelles. Aujourd’hui, nous gérons le pâturage au fil avant. Cela prend un peu plus de temps mais nous avons moins de refus à gérer. Comme en salle de traite, le robot offre plusieurs possibilités de pâturage. La pratique retenue doit avant tout nous convenir dans notre organisation."
“En 2012 et 2013, le 100% pâturage a été atteint pendant 1 et 2 mois avec un coût alimentaire divisé par 3"”
Thomas Huneau - Responsable de la ferme de Derval
chambre d'agriculture des Pays de la Loire
Valérie Brocard
Idele
Estelle Cloet
estelle.cloet@bretagne.chambagri.fr
Chambres d'agriculture de Bretagne
➧ POUR EN SAVOIR PLUS
Concilier robot de traite et pâturage: retour sur les travaux du projet "Robot et Pâturage"