L’objectif de ce projet était de tester l’impact de deux conduites hivernales des veaux sur l’expression et la détection des chaleurs des mères durant la phase de reproduction d’automne. Plus précisément, le projet s’intéressait à l’effet d’une séparation des veaux (2 tétées par jour) par rapport à une conduite avec des veaux libres sous la mère sur la réussite de la reproduction. Les liens avec le comportement des mères et des veaux ainsi que les croissances des veaux permises par ces deux conduites ont été étudiés.
Les croissances des veaux n’ont pas été dégradées par la conduite bloquée. L’essai n’a pas permis de mettre en évidence de différences sur la reproduction (expression et détection des chaleurs) ni sur le comportement général des mères et veaux.
Les veaux « bloqués » avaient 2 tétées par jour alors que les veaux « libres »pouvaient rejoindre leur mère librement.
16 couples mère-veau répartis en deux cases (veaux mâles et femelles séparés) ont été suivis pour chaque modalité à partir de leur entrée en bâtiment (1,5 mois post-vêlage) jusqu’au sevrage.
L’essai a été répété deux fois. Les événements de reproduction, les croissances des veaux et les ingestions de chaque case ont été enregistrés. Les données de détection de chaleurs et de comportements ont été relevés par observation directe et grâce à des colliers activimètres et podomètres.
La période de reproduction s’est déroulée sur 6 semaines et à l’issue de celle-ci 12 vaches sur 16 étaient pleines dans chaque modalité. Dans les conditions de l’essai sur la ferme, les manifestations des chaleurs n’ont pas non plus été significativement différentes entre les modalités que ce soit en termes de durée ou de signes d’expression des chaleurs. L’effectif d’animaux en essai n’aurait permis de détecter qu’un effet fort sur la reproduction. De plus, la mise en œuvre de la conduite quelques jours avant la mise à la reproduction n’a eu que peu de répercussions sur les performances des vaches, à l’inverse des veaux.
L’impact de la conduite bloquée sur la croissance des veaux est non significatif. Il est néanmoins à noter qu’il n’y a pas eu de dégradations des performances et qu’il semble au contraire y avoir une tendance favorable de cette pratique (cf. figure 1).
La répartition des comportements journaliers des veaux est peu modifiée d’une conduite à l’autre en dehors des heures de tétées qui sont imposées (cf. figure2). En revanche, il a été observé plus de stéréotypies* pour les veaux bloqués notamment dans l’heure précédent la tétée. Il faudrait creuser les conséquences éventuelles de la frustration qui semble générée. Il est à noter en revanche que la conduite bloquée permet une meilleure observation des veaux et une détection plus précoce en cas de problèmes sanitaires.
* Une stéréotypie est un comportement répétitif n’ayant pas de but précis, ici des veaux qui lèchent les barrières ou qui font tourner leur langue dans leur bouche sans lien avec l’alimentation.
L’impact de la conduite bloquée sur l’expression ou la durée des chaleurs n’a pas pu être mis en évidence dans les conditions de l’essai. Il semble y avoir une tendance sur l’amélioration du GMQ mais la différence n’est pas significative.
Le fait de limiter le contact mère-veau à 2 tétées par jour n’a pas perturbé le rythme de vie global des mères comme des veaux. En revanche, l’observation de stéréotypies plus importante dans la conduite bloquée nécessite d’étudier l’impact de cette restriction de tétée sur le bien-être des veaux.
Il est possible que la conduite bloquée ait néanmoins des impacts positifs sur des critères qui n’étaient pas évalués dans l’essai. En particulier, la conduite bloquée permet une meilleure surveillance des veaux et une détection plus précoce de leur problèmes sanitaires. Elle peut permettre de limiter les vols de lait entre veaux. C’est aussi une conduite qui semble permettre un retour en chaleur plus court après vêlage.
Un recensement des élevages, ayant eu recours à cette conduite entre 2016 et 2018, a été réalisé chez les adhérents du réseau Bovins Croissance sur la zone Deux-Sèvres et Vendée : sur les 302 élevages enquêtés, la moitié avait recours à cette pratique. Cette conduite est associée à une meilleure fécondité (intervalle vêlage-vêlage inférieur de 5 jours) sans dégrader la fertilité pour les élevages pratiquant l’IA. De même, la productivité est améliorée par une baisse de 1.2 point de la mortalité naissance-sevrage. Le GMQ des veaux a été supérieur (≥ 56 g / jour)sur la dernière phase d’élevage avant le sevrage (120-210 jours). Enfin, même si le temps d’apprentissage des veaux (de quelques jours à quelques semaines) peut ressortir comme une faiblesse, les éleveurs estiment cela comme un investissement positif pour la docilité de leur troupeau (manipulation,facilité du sevrage) et sont unanimes sur la surveillance accrue par la manipulation quotidienne qui favorise la détection d’animaux malades.
F. Bidan et al., Effet de la limitation de la tétée des veaux allaitants en bâtiment sur les performances de reproduction des vaches et l’élevage des veaux, 2022
Des éleveurs unanimes sur l’intérêt de cette pratique
Sixtine Fauviot - Responsable de la Ferme Expérimentale des Etablières
sixtine.fauviot@pl.chambagri.fr
Chambres d'agriculture des Pays de la Loire
Laure-Anne Merle
laure-anne.merle@pl.chambagri.fr
Chambres d'agriculture des Pays de la Loire
Fabrice Bidan
Institut de l'Elevage