Développer un algorithme de détection précoce et automatique des troubles respiratoires des jeunes bovins à l’engraissement, à partir de capteurs placés sur les animaux
En atelier d’engraissement de jeunes bovins(JB), les troubles respiratoires sont le principal motif d’utilisation d’antibiotique. La détection est parfois tardive car elle est basée sur les signes cliniques, or la précocité du traitement est la clé de sa réussite. L’objectif de BeefSense était de développer un algorithme de détection précoce et automatique des troubles respiratoires des JB à l’engraissement, basé sur les signaux de différentes natures (comportement et température) et issus de capteurs placés sur les animaux. L’algorithme construit permet de prédire correctement le statut d’un animal à 24h avec une efficacité de 74% pour les animaux malades et 74% pour les sains. Il anticipe donc l’apparition des premiers signes cliniques.
104 JB charolais ont été suivis durant leur premier mois d’engraissement. Les animaux ont été équipés de podomètres, colliers activimètres et thermomètres intra-ruminaux (bolus).
En parallèle, les températures rectales des JB ont été mesurées chaque semaine et l’état général et respiratoire des animaux a été monitoré quotidiennement par un vétérinaire. Un score clinique a été défini sur la base de ces mesures dans le but de distinguer les animaux malades des animaux sains, variable qui a servi de référence pour la construction de l’algorithme de détection des troubles respiratoires.
La première étape du projet a consisté à définir la limite entre animal malade et animal sain. En effet, certains signes comme les écoulements oculaires peuvent apparaitre ponctuellement sans que l’on considère l’animal comme malade. Les informations sur l’état général de l’animal (hyperthermie, abattement, appétit) et sur les signes respiratoires(toux, fréquence respiratoire, écoulements nasaux et oculaires) ont été combinés au sein d’un score clinique, puis nous avons défini un seuil pour ce scores au-delà duquel un animal a été considéré comme malade.
En parallèle, les trois capteurs utilisés ont permis de collecter des données de nature variées. Grâce au bolus ruminal, les températures du rumen et le nombre de buvées ont été enregistrés. Le podomètre a permis d’obtenir le nombre de pas, le temps passé couché, le nombre d’épisodes couché toutes les 5 minutes. Enfin, le collier mesurait le temps passé à s’alimenter et à ruminer par tranche de 15 minutes. Un modèle mathématique a été créé pour faire le lien entre le statut clinique d’un animal (malade ou sain) un jour donné et les informations collectées par les capteurs dans les jours précédents.
Un grand nombre de combinaisons de variables a été testé pour obtenir l’algorithme de détection le plus performant possible. L’algorithme final utilise les données des capteurs des jours J-4 à J-1 pour définir le statut de l’animal à J avec 75% de sensibilité (c’est-à-dire les animaux malades détectés comme malade) et 74,5% de spécificités (animaux sains détectés comme sains). Un autre modèle a été testé en retirant les données du bolus pour voir si on pourrait s’en passer, la sensibilité reste inchangée et la spécificité ne diminue que de 2%.
Les résultats du projet sont prometteurs puisque l’algorithme construit permet de détecter les animaux atteints de troubles respiratoires 24h avant l’apparition des premiers signes cliniques avec une sensibilité et une spécificité proche de 75%. La suppression d’un des capteurs (bolus) ne dégrade que peu les performances. Ces travaux mettent en évidence la possibilité d’utiliser des capteurs non invasifs et réutilisables pour détecter précocement les troubles respiratoires sur desJB en engraissement.
A ce stade, la preuve de concept est faite mais il faudrait des développements supplémentaires pour arriver à un outil d’aide à la décision utilisable par des éleveurs, notamment pour identifier des stratégies de traitement pertinentes suite à une alerte donnée par l’algorithme et évaluer leurs conséquences sur les performances sanitaires, zootechniques et économiques d’un lot d’animaux.
Je mène (depuis des années) au sein de mon équipe de recherche INRAE des travaux sur les maladies respiratoires pour mieux les prévenir, les détecter et mieux les traiter. La détection précoce est la clé de la réussite du traitement.
Pour nos études nous utilisons régulièrement des bolus intra-ruminaux qui mesurent la température de l’animal. Ca marche bien ! Un animal malade a avant d’avoir des symptômes visibles une augmentation de température (hyperthermie). Mais, il faut les faire avaler. Ils ne sont pas réutilisables. Vu leur coût actuellement, une utilisation terrain est peu réaliste.
Cette étude fait bouger les lignes. En combinant les informations d’un podomètre et d’un collier activimètre réutilisables d’une bande à l’autre, on peut détecter précocement les cas, aussi bien qu’avec le bolus. Ces résultats sont très prometteurs. Il faut maintenant construire un outil d’aide à la décision basé sur ce type de capteurs. Les travaux vont se poursuivre !
« Des outils non invasifs, réutilisables pour une détection précoce des troubles respiratoires : c’est une vraie avancée »
Sixtine Fauviot - Responsable de la ferme expérimentale des Etablières
sixtine.fauviot@pl.chambagri.fr
Laure-Anne Merle
laure-anne.merle@pl.chambagri.fr
Chambre régionale d’agriculture des Pays de la Loire
Marlène Guiadeur
Institut de l’élevage