Les algues Fucus et Chondrus permettent-elles de réduire les émissions de méthane entérique des vaches laitières tout en maintenant leurs performances zootechniques ?
L’agriculture est le troisième poste d’émissions de gaz à effet de serre en France. Dans les élevages de ruminants, les fermentations entériques représentent près de la moitié de ces émissions. En effet, les ruminants émettent du méthane (CH4), gaz à fort potentiel de réchauffement, provenant de la digestion de la ration dans le rumen. Depuis peu, des additifs alimentaires prometteurs, notamment à base d’algues marines, sont développés pour réduire ces émissions de méthane. C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet de recherche METHALGUES. L’incorporation d’algues produites en France dans la ration des vaches laitières a pu être testée lors d’un essai à la ferme expérimentale des Trinottières. Cependant, aucune réduction des émissions de méthane n’a été observée.
La ration de base proposée aux deux lots de vaches était composée de 57 % d’ensilage de maïs, 14 % d’ensilage d’herbe, 24 % de tourteau de colza et 3 % de concentré de production. Un premier lot d’animaux a reçu cette ration sans additif (lot témoin) et l’autre lot avec additif (lot algues). Ce dernier était un mélange d’algues déshydratées (Fucus et Chondrus) et était distribué à hauteur de 1,5 % de la ration de base, soit 345 grammes/vache/jour (sur la base de 23 kg matière sèche ingérée). En parallèle, les émissions de méthane ont été mesurées durant toute la phase d’essai, grâce aux deux Greenfeeds présents sur la ferme.
L’ajout d’algues n’a pas réduit l’appétence de la ration. Les vaches laitières des deux lots ont consommé en moyenne 26 kg de matière sèche de ration par jour. Les algues n’ont pas modifié les performances zootechniques. Les vaches de l’essai on produit 33,6 kg de lait par jour, avec 35,1 g de protéines/kg de lait et 44,4 g de matières grasses/kg de lait (figure 1).
Des émissions de méthane équivalentes entre les 2 lots…
Les vaches laitières ont émis en moyenne 432 grammes de méthane entérique par jour, soit 12,9 grammes de méthane entérique par kg de lait produit, ou encore 16,2 g de méthane entérique par kg de matière sèche ingérée (figure 1). Aucune différence significative n’a été observée entre les deux lots d’animaux.
…expliquées par des teneurs en composés anti-métanogènes insuffisantes dans l’additif
L’analyse de la composition du mélange d’algues utilisé aux Trinottières, a mis en évidence des teneurs en composés anti-méthanogènes (bromoformes, polyphénols, phlorotannins et polysaccharides) plus faibles que les teneurs mesurées en laboratoire. Lors de l’essai, ces composés naturellement présents dans les algues, semblent avoir été en quantité insuffisante pour prétendre à une diminution des émissions de méthane entérique. Ceci confirme la volatilité de ces composés, certainement due à l’effet saison, les conditions climatiques, les lieux de récolte.
De plus, le taux d’incorporation des algues dans la ration peut également expliquer ce phénomène. Cependant, les expérimentations in vitro ont montré qu’une quantité d’algues trop importante dans la ration aurait un effet négatif sur les fermentations ruminales et donc sur les performances zootechniques.
L’apport d’un mélange d’algues séchées et broyées constitué à 60 % de Chondrus Crispus et à 40 % de Fucus vesiculosus, incorporé à hauteur de 1,5 % de la quantité de matière sèche ingérée par les vaches laitières, n’a pas permis de réduire significativement leurs émissions de méthane entérique. Les faibles teneurs en composés anti-méthanogènes des algues du mélange distribué semble être l’explication la plus crédible. La variabilité de leur composition, ainsi que la conservation de ces composés anti-méthanogènes durant les process de transformation apparaissent comme les principales limites à l’utilisation de ces algues locales pour réduire les émissions de méthane entérique des vaches laitières. Des études complémentaires restent donc à mener pour tenter de lever ces freins dans les années à venir.
Les algues étaient ajoutées à la ration des vaches laitières, directement dans la mélangeuse. Nous n’avons pas observé de colmatassions. Les algues se mélangeaient relativement bien au reste de la ration, à condition qu’elles soient stockées dans un endroit sec.
Toutefois, l’algue Condrus crispus était assez poussiéreuse, elle se présentait sous forme de poudre, ce qui l’a rendait plus volatile lors de sa manipulation.
Contrairement aux idées reçues, les algues n’avaient pas une forte odeur. Les vaches qui recevaient des algues dans leur ration n’ont pas eu de changement de comportement à l’auge.
« L’additif à base d’algues a été bien ingéré »
Benoît Rouillé
Institut de l'Elevage
Raphaël Bore
Lucile Oble
CRAPL - Ferme expérimentale des Trinottières
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